PEOPLE
Je trouve l'être humain captivant.
Dans sa simplicité et sa vulnérabilité.
Nous évoluons dans une danse effrénée, se croisant, se toisant, s'évitant de justesse dans notre trajectoire individuelle. Dans un flux constant et saturé, nous embrassons du regard une multitude de silhouettes, dont nous tairons par lassitude l'existence propre.
Dès lors qu'une personne ignore être observée, murée dans son monde intérieur balisé de repères personnels, opère la magie : elle devient belle, dans ce qu'elle est, dans sa démarche, dans le cours évident de sa vie. Mais si par mégarde le sujet photographié identifie la situation et me regarde en retour, alors toute l'observation silencieuse, lente et extérieure, éclate comme une grande bulle trop longtemps préservée du fracas environnant.
Depuis plusieurs années j'ai donc pris l'habitude de laisser courir mes yeux de mouvement en mouvement. De percevoir la fragilité extraordinaire qui émane de notre nature et de son caractère sublime.
De capturer dans un souffle ces rares secondes où l'Autre vit, sans pudeur ni frontière consciente. Où il aime, doute ou lutte. Où il exprime malgré lui ce qui le trahit en tant qu'Homme.
Cette gestuelle particulière ; ces mains anxieuses qui tapote dans un ballet d'angoisse des genoux nerveux, ces mèches de cheveux têtues que l'on remet avec douceur derrière l'oreille, ces lunettes trop ballantes que l'on réajuste d'un geste las sur son nez, ces sourcils qui se froncent trop vite, ces yeux vifs et alertes ou cet air bienveillant adressé au voisin.
Pour qui sait l'écouter, la communication humaine est un orchestre puissant de chaque instant.
Toutes nos pensées laissent des traces visuelles et s'illustrent dans notre présence. C'est ainsi que face à certains tableaux humains je suis particulièrement touchée ou émue. Vous, inconnus de tous bords, aurez été sans le vouloir d'une beauté inconsciente singulière.
Il est étrange de se placer ainsi de l'autre côté et d'oublier sa propre condition ; c'est l'intérêt certain de cette pratique.
Loin du regard anthropocentriste, nous effleurons presque la touchante imperfection de la Réalité qui nous entoure. Nous prenons mesure du caractère fragile, sincère et nu de l'espèce humaine, dans ce qu'elle demeure biologiquement et non ce qu'elle se raconte être. Comme un œil omniscient, libéré de tous jugements ou pré-conclusions sociétales, une humanité tangible se dégage alors de questions hasardeuses.
" Où va t'elle ?
A quoi pense t'il ?
Ont-ils été tristes ?
Quelles sont leurs peurs ?
Combien de rires aux éclats ?
Sont-ils de bons amis, amants ou parents ?
A quoi peuvent bien ressembler leurs rêves ?
Qui réside dans ce regard dur ou ces prémices de sourire ? "
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Depuis, je n'ai cessé de m'attarder sur votre beauté anonyme.
J'apprécie particulièrement l'aspect " naïf " des clichés originaires de smartphone, d'une qualité imparfaite et parfois défectueuse. Les contours brouillés, le grain perturbant, le flou aléatoire… ces caractéristiques visuelles présentes par défaut, à l’opposé de la photographie conventionnelle, confèrent aux sujets capturés une dimension que je juge parfois irréelle ; à la limite du mirage très prononcé dans lequel la subjectivité de l’observateur se serait déversée sans complexe ni subtilité. Lorsqu’une empreinte photo-graphique dévoile un fragment de vie et que ce dernier outrepasse le médiocre écrin offert ( à l’instar de cette qualité ), la puissance de l’instant se suffit à elle-même et auto-affirme sa présence : lorsqu’une histoire est racontée, peu importe sa forme si le fond subsiste avec pertinence.
Berlin, dans la banlieue de Neukölln.
Un smartphone étant plus discret qu’un imposant appareil photo, je suis assurée de pouvoir apprécier le moment de prise, sans avoir le sentiment de m’introduire dans l’espace privé des sujets : ma présence et mon outil ne sont pas remarqués. Je ne capture pas ces parcelles de réalité dans la précipitation ou les subterfuges, je me fond dans la scène elle-même et profite de la poésie qui m’est offerte : ensuite seulement, je garde un souvenir photographique qui m'est cher.
Conserver des souvenirs de silhouettes inconnues prises de dos peut sembler dérisoire. En réalité, j'ai parfois le sentiment que la vision de notre corps projeté en avant dans la vie réelle est un témoin fidèle et authentique de ce que nous sommes, sans visage visible pour trahir le regard de l'Ego. J'ai souvent notifié le ressenti étranger que les individus éprouvent lorsqu'ils s'aperçoivent photographiés de dos : " c'est moi ça ? Je ressemble à ça de dos ? "
Cet angle d'observation de mes congénères est à mon sens intéressant, soulignant ce paradoxe étrange de parfois mieux saisir l'identité d'une personne par sa mouvance dans le monde plutôt qu'en se référant à l'angle conscient qu'elle met à disposition du regard extérieur. Enfin, c'est également la possibilité de se transposer à la place de ces hommes et de ces femmes, facilité par le caractère anonyme que l'absence de faciès engendre. Une douceur d'observation est permise, demandant alors " Et si j'étais lui/elle ? Quel regard porterai-je sur le monde et moi-même ? "
" Here is my favorite one, like a precious memory fragment from Japan.
Calm and silent path into a shinto temple, the sounds of stones rolling slowly under this guardian wood shoes, the first autum leaves falling on the ground. This serious, grateful, respectful attitude of this man, looking down and focused on his important and sacred duty ; convinced of the importance of this role someone need to handle. One of the healthiest and peaceful souvenir I've been lucky enough to keep. "
Gardien d'un temple à Kyoto, Japon
" Never forget to be thankful for beautiful people you met on your path ~ Cherish deep friendship memory & spread the light around you 🌞🌴 We're only the sum of meetings. N'oubliez jamais de remercier vos belles rencontres, chérissez les amitiés sincères et répandez leurs lumières à travers vous.
▶ 6 years ago, I met Kuba from Poland in London street while I was losted : thanks again K for being a part of me through your wisdom. "
Kuba dans les rues de Londres, Royaume-Uni
Festival sauvage dans les champs d'oliviers de Santa Fe, Espagne
Les heures chaudes dans les rues palermitaines, en Sicile
Promenade sur le pont Jannowitz, à Berlin
Attente au feu rouge du pont Elsen de la capitale allemande
Vente de pain tressé au sésame rue Grodzka à Cracovie, Pologne
Femmes religieuses sur la Scalinata dell'Ara Coeli à Rome, Italy
Voyager seule me permet d'intégrer la réalité en me confondant dans le décor, m'oubliant durant plusieurs heures. Cette propension naturelle à la contemplation me fait doublement voyager, à la fois dans l'espace mais aussi le temps : celui des autres, de leur quotidien singulier. Chaque scène ressemble au milieu d'un livre, entre le début et la fin d'une histoire unique qu'il me plairait de découvrir.
Gare de Porto, un train est attendu pour Braga - Portugal
Ville étudiante et rougeoyante, le soleil inonde Bologne - Italie
Trio d'amies dans un quartier de Yokohama, Japon
Jeunes femmes se rendant à la cérémonie estivale annuelle en kimono, Japon
Sortie de métro de la ligne 1 - La Défense, France
Serveur concentré derrière son bar à Bologne, Italie
Vingt-heures dans le quartier de Shibuya à Tokyo, Japon
Un matin dans le métro direction Shinjuku, Japon
Lumière singulière dans une rue calme de Palerme, Sicile
Chaleur écrasante en Sicile après le passage d'un sirocco
Premiers vents d'hiver à Berlin, Allemagne
File d'attente pour la maison hantée traditionnelle au cœur de Tokyo, Japon
Attente du feu vert avant de rejoindre le temple à Kyoto, Japon
Les écoliers rentrent chez eux à Kamakura par bus, Japon
Jeune femme adoptant le style Gyaru dans le quartier branché d'Harajuku à Tokyo, Japon
Etudiant au sortir d'un temple kyotoïte, Japon
Couples se rendant aux cérémonies officielles à Kyoto
Se frayer un chemin sur Takeshita street à Tokyo
Couleurs florales des kimonos d'été, Japon
Jongleur de rue dans le célèbre Parc Ueno à Tokyo, Japon
Chef de gare dans la capitale japonaise
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