Cher Monsieur Amar,
Je vous écris ce courrier pour vous témoigner le caractère extraordinaire et précieux de votre Art, comme une redevance naturelle envers moi-même à la vue des bénéfices qu’il me procure. Qu’elle ne fut pas ma surprise d’apprendre que vous étiez français et que je pourrais ainsi vous exprimer ma gratitude, de mon expression la plus juste et la plus aiguisée.
Bien qu’étant anonymes pour tous deux, je souhaite néanmoins remercier votre existence et la possibilité, durant la mienne , de profiter de vos créations. Il n’est de sonorités, d’harmonies et d’univers oscillatoires plus complets, transcendants et intenses que vos compositions pour me traverser d’un sentiment de créativité tel que vous seul réussissez à le provoquer, à son acmé.
Je suis autodidacte comme vous, pour à peu près toutes les expériences graphiques, esthétiques et manuelles. Votre Art parvient toujours à réveiller le mien, sans peine ni effort. Mieux encore, il le pérennise, le stimule, l’affole, l’électrise, l’entoure et l’accompagne. Passionnée de neurosciences pour mes travaux et l’enseignement de ma méthode de Beaux-Arts aux adultes, j’étudie depuis longtemps l’influence de la rythmique sur les circuits neuronaux des êtres humains. Un langage très spécifique existe à travers la musicalité et les sensibilités auditives subjectives de chacun : autant vous dire que votre création retentit dans mon esprit à ce jour comme le plus puissant des messagers.
Un tenant presque absolutiste et universel se ressent dans les morceaux que je vous préfère, qui prend les entrailles et nous bascule dans une dimension qui nous dépasse. Dans une échelle plus grande que l’Ego, notre conscience du petit Je. Nul être humain ne pourrait prétendre demeurer insensible à l’escalier introspectif vertigineux que propose le substrat de vos œuvres. D’aucuns chercheront le reflet de leur âme dans une ascèse mentale, une méditation particulière ou des états de conscience modifiés lorsque d’autres pourront jouir d’un voyage inédit et exclusif, qui n’aura de cesse que lorsque le silence reviendra. L’art est un concept bien évasif Monsieur Amar, et votre génie le confirme, littéralement parlant.
Si les concepts scientifiques actuels d’hyper-scanning, de neurones miroirs, ou de théorie d’affordance ne vous sont pas étrangers, alors vous comprendrez la motivation de ce courrier qui désire reconnaître la part significative de votre influence impliquée dans le résultat de mon travail. Notre espèce est collaborative et nous ignorons encore dans quelle mesure les apports de chacun peuvent altérer et déterminer, à escient, les intentions et univers cognitifs des autres ni sous quelle forme, véritablement, nous pourrions attester de la signature unique d’un individu dans ses accomplissements. De la même façon qu’il me faudrait alors, idéalement, remercier l’ensemble des éléments traversés par votre propre vie humaine, s’agirait-ill de rencontres, de découvertes, d’idées ou d’esthétiques.
Cette teneur si rare et précieuse, mobilisée à chaque écoute, est en soi une exception qu’il est déjà invraisemblable de connaitre mais la recueillir sous plusieurs formes, dans des registres toujours plus variés, plus subtils et distingués les uns des autres à partir d’un seul artiste… c’est un somptueux et magistral panthéon de sensations que vous mettez à disposition de vos contemporains. Un nectar singulier qu’il m’est heureux de préserver dans un espace de création constamment renouvelé, vierge, attentif, désireux de pertinence, porteur de sens .
Lorsque je sculpte ou que je griffonne nerveusement le papier ; lorsque le bout de mes doigts frôlent l’argile fraîche dans l’attente d’être modelée, transformée et vivante ; lorsque ma main trépigne de se saisir du stylo et de laisser mon esprit plonger dans le gouffre abyssal de mes pensées et ressentis dans une attente presque insoutenable; vos créations font alors office de top départ assourdissant et se chargent également de sonner le glas de cette incroyable expérience que demeure l’Art. Du début à la fin, la présence de votre essence artistique est indiscutable et s’immisce quelque part, dans un mouvement vif de crayon, un coup de maillet dans la pierre encore tendre ou l’arabesque fuyante d’un pinceau. Pour cette collaboration insoupçonnée et inattendue entre deux sensibilités d’ordre différent, je vous suis reconnaissante et souligne à nouveau mon attachement profond à votre créativité.
Issue d’un milieu modeste et ayant fait mes armes à contre courant de mon environnement familial et culturel, il m’a fallu assurer par moi-même et sans références un espace de travail voué à l’art, la création, l’expérimentation, l’affranchissement de la pression sociale, l’abandon des biais cognitifs et l’épanouissement intellectuel. De ce parcours d’équilibriste est né une fureur de vivre, un désir viscéral de créer, une urgence de s’élever au-delà de soi-même et de notre condition. Des inspirations comme la vôtre ont donc été salutaires dans cette réalisation. Ma vingt cinquième année s’achève bientôt et depuis le temps que votre œuvre anime d’un feu toujours ardent ma route, il m’était nécessaire de vous adresser cette lettre .
Armand Amar, je vous remercie.
En vous souhaitant une pleine réalisation de votre existence en tant qu’homme, et en tant qu’Artiste.
Très sincèrement,
Sanuwah