BERLIN

BREAKDOWN to BREAKTOWN

 

 

La pression atmosphérique bouche mes oreilles.

 

Je regarde par le hublot et songe à mes dernières heures parisiennes. Allongée un peu plus tôt dans mon sofa, mes affaires empaquetées à la va vite dans mon sac, je patientais jusqu'à l'heure du départ en tournant mécaniquement mon petit globe. Est-ce une bonne idée de partir dans cet état ? 

 

J'ai du mal à me reconnaître, je ne ressens plus rien. Ne pleurant jamais par tristesse mais par impuissance ou colère, je sens en moi une rivière tarie à jamais. Je suis fatiguée, de tout. Plus rien n'a d'importance ni ne m'atteint. Jamais encore je ne m'étais vue aussi insensible à tout ce qui m'entoure. Une chape de plomb semble avoir recouvert et muré mon cœur. Je me fais un peu peur. 

 

Si une brise pouvait m'emporter,

je me laisserais volontiers faire. 

 

D'un naturel d'ordinaire empathique, ouvert et curieux, j'éprouve désormais une impatience et indifférence exacerbée envers mon prochain, lorsque ce n'est pas tout simplement un vide silencieux et absent. Je suis incomplète, n'est resté en moi que la partie automate qui gère les besoins primaires comme elle le peut. Je dors très peu, ne mange presque plus. 

 

Je suis en roue libre totale. 

 

L'avion atterrit à Berlin aux alentours de 16h.

 

En parcourant les allées aseptisées et impeccables de l'aéroport, je réalise que jamais encore je ne m'étais retrouvée trahie de la sorte. Que, de mon existence, pas une seule fois il avait été aussi difficile d'accepter la faiblesse humaine et son vice individuel. Pire, il s'agissait là de l'individu à qui j'avais confié mes plaies les plus intimes, à sa propre demande et exigence de lui faire confiance. Samuel représentait la première tentative depuis mon enfance d'accepter quelqu'un à mes côtés, sans peurs ni méfiance mais également la dernière tant il était évident que je ne pourrais jamais réitérer cet effort... et il en était conscient depuis le départ. Les barrières que j'avais imposées dès nos premiers échanges étaient implicites : je faisais partie de ces personnes qui se protégeront toujours quel qu’en soit le prix à payer, dusse t'il être un amour sacrifié. C'est rempli d'aplomb qu'il m'avait soutenu être à la hauteur de ce rôle décourageant pour de nombreux autres, qu'il m'avait promis prendre soin de moi et m'éviter toutes souffrances nouvelles. 

 

J'avais cédé. C'était ma faute. Etre plus humaine, plus atteignable ... dans les derniers instants, l'ivresse de la relation avait eu raison de mon scepticisme et instinct survivaliste, j'avais souhaité y croire à travers la force de ses arguments et actes. Une part raisonnée m'avait soufflé que c'était le moment ou jamais d'essayer, qu'il me fallait avoir une réponse vis à vis de mon passé. Que si un espoir subsistait, il était important de le savoir ; que la liste des recalés avait suffisamment durée.  " Ton enfance est derrière toi. Tu pourrais accepter de te reposer sur lui. Il pourrait peut-être même réparer les choses. Une seule fois, détend-toi et donne ta chance au hasard. " 

 

 à suivre

 


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